Ski trip : Tour de la Meije
18 Avril: Après un faux départ la semaine précédente et pas mal d'hésitations, nous décidons de prendre la route pour Villard d'Arène. Objectif ? Effectuer le tour de la Meije en 3 jours. Ce projet nous trotte dans la tête avec Isis depuis notre trip grimpe à Céuse. un temps mitigé est annoncé mais tous les autres voyants semblent au vert, let's go!
Préparatifs
En plus de découvrir la région et de faire du bon ski, l'idée était -si possible- de valider le raid requis pour la préparation du proba. Quelques contraintes à respecter donc : 3 jours minimum, 1000 mètres de dénivelé positif par jour et en itinérance, c'est à dire des nuits dans des endroits différents chaque jour. Le tour de la Meije se prête parfaitement bien à ce genre de défis et rajoute en surplus un côté montagne très intéressant avec des passages techniques, des rappels, et de l'évolution sur glacier.
En contrepartie, nous serons assez chargés: en plus du matos de ski standard, nous aurons sur nous le nécessaire pour glacier (crampons piolet, baudrier etc), quelques coinceurs pour le passage en mixte du Serret du Savon, et une corde de 60m pour les rappels (bien lourde d'ailleurs). Nous prenons également de quoi manger durant le trip, et du liquide pour les nuitées en refuge et un repas au Promontoire.
Nous partirons de Villard d'Arène afin de rejoindre le refuge Adèle Planchard le premier jour. Pas de descente, uniquement du d+ !
Le second jour, nous irons au sommet de la Grande Ruine si le coeur nous en dit. Nous passerons ensuite le col des Neiges, et le col de la Case Déserte. Une belle descente nous attend sur le glacier de la Grande Ruine pour rejoindre le refuge du Châtelleret. Enfin, nous repeauterons pour accéder au refuge du Promontoire où nous passerons la seconde nuit.
Le dernier jour, l'objectif sera de remonter les pentes jusqu'à la brèche de la Meije. Une fois atteint, nous traverserons le glacier de la Meije jusqu'au passage du Serret du Savon. Si le temps le permet nous irons à la Meije Orientale puis nous redescendrons à Villard d'Arène par la belle descente du glacier de l'Homme.
Premier jour - Refuge Adèle Planchard
Objectif grimpe aujourd'hui! 10km et 1700m de d+ nous attendent. Départ 3h30 de Chamonix pour faire la route de nuit et bénéficier des éclaircies matinales. La chance nous sourit, les tunnels d'accès à la Grave ouvrent à 6h et nous passons ce premier crux vers 6h15, pile à l'heure sans le savoir.
7h au parking, nous prenons le temps de manger un bout, fertiliser le sol et c'est parti pour trois jours de kiff!
Bon on ne va pas se mentir, nous avons réussi à nous paumer ce premier jour...
Absorbés par nos discussions totalement farfelues, nous avons manqué la bifurcation à la Tête de l'Alp et nous avons tracé jusqu'au col d'Arsine. Certes, le coin est très beau, mais cette errance nous a rajouté quelques 5km et 300m de d+... Ca commence bien.
De retour sur le bon chemin, nous continuons doucement mais surement dans ces splendides et sauvages fonds de vallée.
L'essentiel du dénivelé se fait à la fin. La fatigue de la journée, les sacs lourds et le temps maussade rendent la dernière portion laborieuse. J'en fais tomber mon bâton à mi-chemin, mais l'ange gardienne Isis se charge de me le récupérer.
Arrivés au refuge, nous sommes chaleureusement accueillis par Guillaume et ses deux assistants. Pas mal de monde ce soir, ça discute dans tous les sens et dans toutes les langues, ça joue, ça sent bon la soupe, ambiance refuge garantie! Le temps file, on se couche tard mais le lendemain c'est grasse mat' jusqu'à 7h.
Second jour - Refuge du Promontoire
Objectif du jour: Une belle Grande Casse Ruine, les deux cols (de neige, et Casse Déserte), une belle descente, et une belle montée jusqu'au refuge du Promontoire où nous passerons la nuit. Environ 1700m de d+ nous attendent.
Il fait beau ce matin, les peaux sont sèches et nous avons mangé un peu.
Nous avalons les quelques centaines de mètre qui nous séparent du sommet à une bonne allure, et rattrapons au passage les cordées parties plus tôt. Nous tirons un bout de corde pour l'arête sommitale et le petit couloir menant au sommet de la Grande Ruine. La vue est splendide d'ici. Nous voyons quasiment tout notre itinéraire passé et à venir, il fait grand beau, les crampes aux maxillaires arrivent.
De retour aux skis, nous attaquons notre première descente du trip et rejoignons les deux cols. Le monchu que je suis ne manque pas de manger la neige dans cette mi croûte mi poudre difficile à skier. Le monchu que je suis n'hésite pas non plus à perdre un bâton au passage du premier col... Bâton récupéré par master Isis toujours au top! L'accès au second col est dur pour moi à cause d'une petite hypo qui me coupe les jambes mais je prend le temps de me requinquer au soleil avec les deux rappels permettant d'atteindre le glacier de la Grande Ruine.
La descente de la Grande Ruine est grandiose. La neige est tout poudre, même plus bas au soleil. Nous alternons entre grande courbe et godille au grès des envies, en faisant nos traces sur l'essentiel de la descente.
Arrivés au fond du vallon heureux comme des papes, nous remettons les peaux pour gravir les quelques 900 mètres de dénivelé qui nous séparent du Promontoire, avec une pause au refuge du Châtelleret pour casser la croûte.
Arrivés au refuge Sandrine nous accueille tout sourire dans ce refuge perché et chargé d'histoire. Nous prenons un maximum d'infos auprès d'elle, la brèche de la Meije passe sans rappel, la trace est faite, mais ça parpine un peu au passage du Serret du Savon. Nous partirons donc tôt le lendemain pour éviter les chutes de pierre, réveil à 5h30.
Troisième jour - Refuge de l'Aigle et Villard d'Arène
Le 3ème jour est le plus technique, avec le passage de la Brèche de la Meije, la traversée du glacier éponyme, le fameux passage du Serret du Savon qui implique 15 mètres de mixte et la descente du glacier de l'Homme à ne pas négliger.
La nuit fut moins bonne que la précédente, il faisait chaud et humide dans le dortoir. Après avoir avalé un copieux petit déjeuner, nous nous équipons sans perdre de temps et prenons la direction de la brèche de la Meije au petit matin. Le regèle est bien là, parfait pour la pente de neige qui nous permet d'accéder à la brèche sans perte de temps.
Nous suivons ensuite les conseils de Sandrine et dé-escaladons les quelques 60 mètres nous séparant du glacier. De vieux cafistes nous collent au train sans trop savoir où ils vont, nous passons la vitesse supérieure sur le glacier pour arriver au passage au plus tôt.
Une fois arrivés au pied du passage du Serret du Savon, Isis part en tête et libère la longueur en mixte en toute aisance. Une micro traction placée à la sortie du crux et nous partons corde tendue dans le couloir de neige restant.
Soulagés d'avoir passé cet endroit délicat, nous marquons une pause au soleil, buvons un peu de thé et mangeons un bout : La plus grosse difficulté est passée!
Les batteries rechargées, nous nous encordons et décidons de tenter la Meije Orientale malgré la présence de nuages.
Cependant le temps se dégrade. la neige commence à tomber, et les nuages nous encerclent et sont de plus en plus menaçant.
Arrivés au niveau de la tête des Corridors dans les séracs, nous décidons de rebrousser chemin. La Meije Orientale, ce sera pour une prochaine fois.
Après avoir rangé la corde, nous skions jusqu'au refuge de l'Aigle pour s’abriter de la neige, prendre quelques informations et visiter les lieux.
Une fois n'est pas coutume, la gardienne Béatrice nous accueille chaleureusement, un bouquin des Furtifs à la main. Après avoir bu un chocolat chaud, nous prenons un maximum d'infos sur la descente du glacier de l'Homme qui se fera dans la purée de pois. Il s'agit de ne pas se perdre, l'itinéraire louvoyant entre séracs et falaises. Quant aux cafistes, il descendent tête brûlé sans se poser plus de question.
Après leur départ, nous entamons cette descente complexe dans la neige et le brouillard épais. Le grand ski n'est pas de mise, nous avançons doucement et consultons fréquemment la carte pour ne pas dévier de l’itinéraire. La visibilité est quasiment nulle.
Après une bifurcation, nous remarquons nos trois hurluberlus perchés en haut d'une falaise de 50 mètres, ayant manqués l’embranchement. Ça nous fait marrer.
La visibilité s'améliore avec la descente, nous attendrons au final le plancher des vaches en un peu moins d'une heure.
Une fois la rivière traversée, nous rejoignons la voiture, des souvenirs plein la tête d'une aventure épique dans un cadre hors du temps, unique, féerique.
Merci infiniment Isis pour m'avoir permis de vivre ce voyage extraordinaire entre ciel et Terre.