Aiguille Verte : Arête des Grands Montets

Massif: Mont Blanc
Orientation: Nord
Cotations: D 4c IV
Altitude: 3233 m / 4122m

Après une saison bien chargée en alpinisme malgré l'été caniculaire, nous décidons avec Jean-Baptiste de retenter l'Aiguille Verte.

Ce sommet nous a déjà résisté par deux fois.

Lors de la première tentative automnale par l'Arête du Moine, je n'irai pas plus loin que le refuge du Couvercle à cause d'un mal être général et d'un mauvais pressentiment. Mes deux compagnons de cordées ne dépasseront quant à eux pas la rimaye qui devait avoisiner les 50 mètres de large.

Lors de la seconde tentative avec Lancelot via le couloir Whymper, une erreur d'itinéraire nous embarquera dans une traversée hasardeuse en mixte sous les grandes rocheuses. Nous prendrons ensuite la décision de redescendre à 200 mètres du sommet afin de respecter l'horaire de descente, le couloir prenant rapidement le soleil.

Grisés par notre réussite de la semaine passée sur l'Arête du Jardin à l'Aiguille d'Argentière, nous décidons avec JB de nous frotter de nouveau à ce sommet emblématique. Et histoire de rigoler un peu, nous choisissons de la gravir par l'Arête des Grands Montets en partant d'Argentière.

Itinéraire grandiose, long et varié dans un cadre superbe (versant Nant Blanc de la Verte, couloir N des Drus… ). Le rocher est bon sauf dans les traversées du début.

Il est annoncé 2 jours de course sur camptocamp. Malheureusement, nous n'avons pas cet itinéraire sur les topos à notre disposition, nous nous fierons donc aux informations sur le site communautaire.

Le projet initial est donc de prendre des vivres pour les deux jours, ainsi que le matériel de bivouac sur le dos. Nous partirons également du bas, le téléphérique des Grands Montets ayant brûlé il y a quelques années. Enfin, nous redescendrons par l'Arête du Moine pour rejoindre nos amis du refuge du Couvercle. Evidemment, tout ne se passera pas comme prévu.

Jour 1

Départ d'Argentière -à la cool-, nous attaquons l'approche à pied après avoir fait le premier tronçon avec la benne. Les sacs sont lourds mais nous avançons d'un pas décidé. Nous arrivons à l'ancienne gare des Grands Montets vers midi et prenons une pause pour remplir les gourdes et faire bronzette :). Il doit faire 25° au bas mot au pied du glacier de la petite Aiguille Verte, nous sommes bien content d'être là haut et pas dans la fournaise en contre bas. Il fait beau temps, quelques nuages d'altitude rayent le ciel bleu mais la météo s'annonce stable pour les jours à venir.

Nous remarquons aussi des traces sur le glacier, une cordée nous précède ! Nous qui cherchions à nous isoler un peu dans ce massif très fréquenté, c'est raté.

Après la pause, nous avalons les quelques 300 mètres de dénivelé qui nous sépare de l'attaque par la glacier au pas de course. Après un court passage en mixte facile, nous atteignons un col nous dévoilant notre itinéraire des jours à venir. Une immense arête en arc de cercle se dessine, partant de notre point jusqu'au col du Nant Blanc. La première portion semble extrêmement sèche, mais la seconde moitié est saupoudrée de neige suite aux intempéries de la semaine passée. Enfin, nous apercevons l'imposant dôme de glace constituant le sommet de l'Aiguille Verte. Nous sommes également ébahis par l’intimidante face nord des Drus qui nous domine de tout son long.  

Le premier tronçon est constitué de gradins en caillou pourri longeant plus ou moins l'arête versant Nant Blanc. Nous croisons d'ailleurs rapidement la cordée qui nous précédait. Ce sont deux italiens qui sont partis très tôt ce matin après avoir dormi dans l'ancienne gare des Grands Montets. Ils ont toutefois décidé de faire demi tour car ils se sont perdus et n'ont pas retrouvé l'itinéraire correspondant au topo, ça s'annonce chouette!

Nous on s'en fout, on vient justement là pour se perdre un peu... Malgré leurs remarques nous continuons tranquillement notre chemin et les perdons de vue au passage d'un gendarme.

Cette partie se révèle effectivement paumatoire.. On abandonne vite les détails du topo pour se fier à notre instinct. Nous avançons efficacement, mais visiblement pas au rythme des forcenés de camptocamp... S'en suit une interminable errance alternant corde tendue, petites longueurs, dièdres, dalles, cheminées et autres joyeusetés en mode exploration, en tentant de suivre dans les grandes lignes les indications du topo.

Après un combat dans une cheminée qui aura eu raison de nos dernières forces, nous accédons à une brèche à la base de la pointe Farrar. La neige s'est petit a petit invitée sur les versants les plus ombragés. Exténués, nous apercevons 15 mètres en contrebas, une belle vire à bicyclette orientée NW encore en neige. Cet emplacement sera parfait pour notre (premier) bivouac, Il est 20 heures.

Un bon repas, des boissons chaudes, un bivouac confortable et un coucherde soleil à couper le souffle nous ravive le corps et l'esprit. La nuit s'annonce fraîche et paisible.

Dis Alex...
Zzz.. Quoi ?
Euh, t'as pris les capotes ?!
Putain t'es con JB ah ah

Suite à ces belles paroles, nous tombons avidement dans les bras de Morphée, épuisés et le ventre plein.

Jour 2

Il est 5 heures, le ciel s'éclairci timidement, il est temps de se lever. Nous ne prenons pas le temps de faire chauffer de l'eau, et avalons quelques amandes et abricots secs en guise de petit déjeuner. Après avoir plié le matériel, un petit exercice de remontée de corde pour rejoindre la brèche nous réchauffe le corps et nous prépare pour la suite. La journée s'annonce très longue, nous n'avons pas atteint le premier bivouac annoncé sur le topo, les dalles des pointes Ségogne semblent en neige, et nous ne connaissons pas plus l'itinéraire de descente qui s'annonce rock & roll.

Nous passons rapidement les dalles de la Farrar pour rejoindre une large cheminée sensée accéder au sommet de la Tour Carrée. C'est mon tour d'engager dans ce bousin à moitié en renfougne, à moitié en coincements de doigts ou de main. Fort heureusement, je peux protéger assez efficacement avec des coinceurs béton et un ou deux pitons antédiluviens. Il fait encore très froid à cet instant, le soleil n'a pas encore pointé le bout de son nez et je commence à avoir les onglées aux mains. Nous tirons deux longueurs dans cette grande cheminée pour atteindre le sommet de la Tour Carrée. Le soleil s'élève finalement au dessus de l'Aiguille d'Argentière pour notre plus grand bonheur.

Un rappel, et une traversée dans du caillou instable nous conduit au pied d'une goulotte. Goulotte ? En août ? Avec la sécheresse historique vécue cette année ? Quelle drôle d'idée...

Bien sur, elle est en piteux état. sur le bas, il n'y a que de la terre et du rocher très délité. Sur le haut, une petite langue de glace vive recouverte de neige poudreuse. JB passe un premier passage bien pourri, pose un solide nut mais bute ensuite sur un passage mixte hasardeux. Je prend le relais, tente de monter sur une inversée en adhérence sur le rocher mais je me casse la gueule. Merci compagnon de cordée, pour ce solide nut qui a retenu ma chute. Je repars de plus belle avec ce coup ci, une paire de crampons aux pieds et un piolet à portée de main. Je coince pied droit dans une fissure, l'autre dans la terre et je passe ainsi le pas difficile. S'en suit une 20e de mètres en mixte pourri dans du rocher plus que douteux et de la glace posée sur rien. Le nut providentiel n'aura pas pu être délogé et restera scellé dans sa fissure pour un bout de temps.

Nous nous retrouvons ensuite, de nouveau au soleil mais avec un vent qui nous glace les os, au niveau d'une brèche à la base des dalles de la pointe Ségogne. La première dalle est visiblement en bonne condition, la fissure n'est pas bouchée mais une portion de la seconde semble être en neige. Je pars dans cette première portion, bien peu engageante à première vue, mais qui une fois dedans, se déroule admirablement bien. L'escalade est très agréable et c'est facile de protéger dans cette belle fissure menant à l'arête. JB me rejoint ravis et prend le lead pour la courte traversée et la seconde partie qui s'annonce plus complexe.

Cette seconde dalle se découpe en deux parties. Une première fissure mène à une petite vire sur le fil de l'arête. Ensuite, deux possibilités s'offrent à nous : Soit suivre le fil de l'arête, relativement simple mais très engagée, soit traverser en dalle sur 5 mètres pour rejoindre une seconde fissure menant au sommet. Cependant cette traversée est encombrée de neige. JB avale efficacement la première partie en fissure, et me demande ensuite de le rejoindre sur un relais improvisé pour décider ensemble de l'itinéraire. Malgré les conditions, nous préférons le second paraissant plus complexe, mais bien moins risqué. Je m'engage dans cette traversée, un piolet à disposition et les gants aux mains. Un premier déblayage me permet de poser un coinceur. J'arrive ensuite à former de petites marches avec la neige et coincer le piolet pour effectuer la traversée merdique. A la base de la fissure, je pose un autre point haut et je souffle un peu. Je range ensuite piolet et gants, et passe cette dernière belle fissure menant au sommet de la pointe Ségogne.

Depuis ce belvédère, nous sommes dominés par l'imposant dôme glacière de la Verte. Le col du Nant-Blanc est à portée de main, checkpoint.

Nous atteignons les bivouacs du col aux alentours de 14 heures. Déjà bien entamés par la journée, nous décidons de passer l'après midi et la nuit ici. Il nous reste suffisamment de gaz de pour faire chauffer une soupe, un plat de pâtes et remplir 2 litres d'eau dans les gourdes.

Jour 3

Le repas de la veille fut plus frugale que le précédent, et le petit déjeuner s'annonce inexistant. Nous nous partageons les quelques graines restantes, trois gorgées d'eau chacun et c'est reparti pour un bonne journée.

Après avoir passé le col, nous attaquons les dernières pentes de neige menant au sommet. Certaines parties étant en glace vive, nous préférons tirer des longueurs à certains endroits.

Après 3 heures de combat sur une surface tantôt en glace vive, tantôt en neige profonde, nous atteignons enfin l'arête sommitale, puis la cime de l'Aiguille Verte. Il est 9 heures passé, nous sommes heureux.

JB et moi (Alex) au sommet de la Verte

La descente fût interminable. Dangereuse et interminable. Nous nous sommes perdus, nous avons failli tomber à cause d'une cordelette de rappel qui a pété. Des chutes de pierre nous ont frôlés dans un couloir scabreux. Un duvet a même glissé dans le fond de la rimaye lors du dernier rappel. Mais nous sommes arrivés au refuge saint et saufs, accueillis chaleureusement par toute l'équipe et les clients. Heureusement, il nous restait juste assez d'énergie pour fêter ça !